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Des cours sans papier ni crayon par Samuel Le BIHAN 2009 pour Revue échanger -

(2032 mots dans ce texte ) -  lu : 1810 Fois


Le collège E.-de-Martonne de Laval a développé depuis de nombreuses années l'usage des nouvelles technologies. L'un de ses promoteurs, Patrick Richard, professeur de technologie, a poussé la logique informatique jusqu'à remplacer le classeur disciplinaire par une simple clé USB. Reste encore à créer un environnement qui réponde à cette transformation et à en apprendre les règles.

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L'apprentissage des nouvelles technologies numériques est une des priorités du collège : "Le projet d'établissement, outre le volet spécifique d'intégration des handicapés et ceux, plus traditionnels, d'orientation ou d'éducation à la santé et à la citoyenneté, présente un axe fort en direction des nouvelles technologies. Ainsi, toutes les salles de cours ont-elles accès à l'internet en réseau filaire ou sans fil. Toutes les disciplines disposent au minimum d'un ou deux vidéoprojecteurs et d'ordinateurs dédiés, et tous les élèves de quatrième et de troisième bénéficient d'un espace numérique de travail accessible depuis leur domicile. Dans le même registre, le collège est également établissement pilote dans l'utilisation des tableaux interactifs et des ordinateurs portables, notamment en technologie et en mathématiques. Enfin, tous les élèves valident le brevet informatique et internet". Comment se traduit concrètement la mise en œuvre de cette volonté inscrite dans les textes ?

Un classeur numérique

Sur la liste de fournitures que les élèves reçoivent en début d'année, figure, au même titre que stylo, compas ou cahier, l'acquisition d'une clé USB de 2Go. minimum. Cette clé fait donc partie naturellement du cartable du collégien et allège singulièrement le poids de celui des petits sixièmes ! Cette clé fera office de classeur en troisième, en technologie. En effet, dans ce cours, les élèves n'utilisent plus aucun support papier. Le professeur ne distribue plus de fiches guide, de fiches d'aide... D'ailleurs n'y a-t-il pas une incohérence à proposer aux élèves de lire sur papier des indications pour les guider à manipuler un logiciel sur l'écran ? Toute explication est donnée si nécessaire en début de séquence sur le tableau blanc interactif. Chaque élève peut retrouver les indications nécessaires sur l'écran de son ordinateur portable pendant le cours, ou encore, il peut le télécharger sur sa clé personnelle. De même, lorsqu'ils ont besoin de transmettre un travail à l'enseignant, celui-ci ne récupère pas de copie papier, que les élèves ne pourraient bien sûr pas ranger dans leur "classeur" ensuite ! À la fin de ce premier semestre, les élèves de troisième ont effectué des recherches sur les origines de diverses techniques et chacun devait présenter le résultat de son travail au reste de la classe sous forme d'un bref exposé. Dès l'entrée dans la salle, chacun va chercher son portable dans l'armoire, puis celui qui est désigné pour communiquer le résultat de ses recherches se connecte sur le tableau interactif et commente sa production à la classe. Après avoir écouté les courtes communications sur la fermeture éclair à glissière, l'aimant, le pliage... les autres élèves de la classe vont remplir une fiche d'évaluation qu'ils téléchargent ou récupèrent dans leur dossier personnel. Ils mettent une note dans chaque colonne correspondant aux critères retenus : apport de connaissances, mise en forme du document, réponse au cahier des charges, présentation orale... Une fois les exposés terminés et les notes mises, en quelques clics, les élèves font les totaux car la fiche d'évaluation est évidemment une page de tableur. La formule est donc tapée au bout de la première ligne puis glissée le long de la colonne. Les totaux sont ainsi vite effectués, plus besoin de calculette ! Tous ne maîtrisent pas encore parfaitement l'opération mais on fait alors facilement appel au savoir du voisin. Ensuite, les documents sont glissés dans la base du professeur qui retrouvera les travaux des élèves et les fiches d'autoévaluation. Celui-ci fera alors la moyenne de toutes les notes mises sur chaque production et la note finale sera celle mise par l'ensemble de la classe si celle-ci se situe dans une marge de plus ou moins deux points par rapport à la sienne. Aucune feuille de papier n'a circulé, aucune trace écrite matérielle. Mais si l'élève veut travailler en dehors de la classe ? Et s'il veut prendre connaissance de sa note ? Voire, la montrer à ses parents ? Comment fait-il ?
 

Un bureau virtuel

À la maison, l'élève dispose d'abord de sa clé personnelle. Sur celle-ci, il peut voir son travail effectué en cours, un document téléchargé ou encore le schéma ou le résumé capturé sur le tableau interactif. Il peut aussi accéder directement à ces ressources et à bien d'autres encore en se connectant sur le site du collège, en utilisant son identifiant, car tout est stocké sur patrickrichard.eu. Il a alors accès aux cours de quelques disciplines. Il peut aussi retrouver toutes les productions collectives de la classe, écrites ou sonores: les émissions de radio-métier réalisées en direct lors du forum des métiers, les musiques composées par la classe pendant les cours... Ses notes sont même consultables. En effet, chaque catégorie de la communauté éducative, professeurs, parents, élèves, a son entrée en ligne dans le logiciel Pronote. Plus de faux prétextes pour tenter de justifier qu'on n'a pu en prendre connaissance ! Des ressources très diverses sont à sa disposition. L'élève peut consulter l'Encyclopedia Universalis dont les droits d'utilisation ont été achetés par le collège, des films vidéo sur lesite.tv (Sceren-France 5). En mathématiques, grâce à "mathenpoche", l'élève peut effectuer librement des exercices de révision ou ceux que l'enseignant lui a personnellement recommandés. Il y trouve aussi des exercices en langue, des textes en français. C'est tout un espace professionnel qui est mis à sa disposition, un environnement de documents, d'outils, de références qu'il ne possède pas dans son bureau personnel réel. Mais dans cet espace réel, il lui faut au moins la machine ! 90 % des élèves ont au moins un ordinateur à la maison, quand ils n'en possèdent pas personnellement. Pour les autres, le collège met à leur disposition une salle informatique pendant des récréations ou les permanences et chaque jour de 16 h30 à 17 h30. Un adulte les encadre alors.
 

Des communications instantanées

L'usage de l'outil informatique permet une organisation du travail et une gestion du temps différentes que les élèves expérimentent en classe de technologie. Les élèves, par exemple, peuvent travailler individuellement devant leur écran à l'écriture d'un synopsis de jeu qui va être lu par toute la classe, car chacun a accès aux textes écrits par les autres et peut les lire sur son écran sans se déplacer. De même, un texte peut être affiché sur le tableau interactif et faire l'objet d'une correction collective, chaque élève pouvant ensuite revenir sur son propre travail pour effectuer toutes les modifications nécessaires. Ensuite, chaque production doit être validée par l'ensemble de la classe. Si ce n'est pas le cas, l'élève effectue tout de suite une réécriture. Tout ce travail, ces échanges et ces corrections s'effectuent pendant le même cours. Aucun travail n'a été récupéré pour être corrigé et repris une semaine plus tard. La dynamique de travail enclenchée est maintenue jusqu'au bout. Lorsque les élèves préparent une rencontre avec la conseillère d'orientation, les questionnements, les demandes sont formulés en classe, un échange se fait d'abord par l'intermédiaire d'un forum avant la rencontre. Les élèves expérimentent ces situations nouvelles de travail collaboratif à distance. Ainsi, en fin de trimestre, les élèves de troisième sont engagés dans l'élaboration d'un projet de "cartable léger et solide", concours lancé par le ministère. Dans les groupes de trois, on se répartit les rôles : concepteur, producteur et commercial. Et ceux-ci, individuellement, recherchent leurs idées, les formulent sur l'écran et chacun peut prendre connaissance immédiatement des propositions des deux autres et rebondir. On invente un autre rapport au temps et à l'espace. Enfin, l'accès aux documents est instantané, la recherche très rapide, en particulier pour les images, plus difficiles à retrouver dans une bibliothèque. Et l'usage de Google-Earth a remisé aux placards tous les atlas.

Développer une culture professionnelle

Mais comme tout autre moyen de communication, celui-ci aussi a ses règles que l'usager doit assimiler ! C'est un objectif important de l'enseignant. L'élève a souvent une pratique personnelle de ces outils, ils "chattent", téléchargent de la musique ou des films, sont des familiers de Youtube ou de Facebook... Or, l'enseignant veut distinguer cette pratique personnelle d'une pratique professionnelle soumise à des réglementations qu'il faut connaître et respecter. Lorsque l'élève utilise le courrier électronique, il doit communiquer son nom officiel et non pas un pseudo ou montrer sa photo et non pas un clône. Il ne faut pas confondre le travail de classe avec la pratique du blog personnel ! S'il doit intégrer une musique dans une production, pas question de piratage, il apprend à utiliser des documents en copyleft, qu'un auteur accepte de mettre à disposition du public ou du son dont on a acquis les droits. L'usage des encyclopédies fait l'objet d'une réflexion particulière. Wikipédia n'apparaît pas sur le bureau virtuel, mais l'Encyclopedia Universalis pour laquelle le collège paie des droits d'utilisation. Ils sont amenés à distinguer les encyclopédies dont le savoir est validé des encyclopédies ouvertes. Ils sont contraints de vérifier leurs informations quand, par exemple, ils constatent, lors d'une recherche, que les dates d'une invention ou les noms, même, de l'inventeur sont différents d'une encyclopédie à l'autre. Enfin, il leur faut distinguer l'espace de travail personnel et l'espace de communication. L'enseignant autorise, lors du travail de recherche ou d'échange entre pairs, tout type d'écriture qui favorise la rapidité et le flux de la réflexion, abréviations, ou "langage SMS"... voire une autre langue ! Cela peut arriver avec des primo-arrivants. Des élèves utilisent l'interface des applications dans leur langue, même en chinois! De plus, une expérience en cours avec les troisièmes les conduit à expérimenter les différentes langues qu'ils apprennent au collège. Au cours du premier trimestre, ils apprennent avec l'interface en français, au second trimestre, celui-ci est en anglais et, au troisième, en allemand, espagnol ou italien ! Cependant, quand il s'agit de rédiger le résultat pour une communication au professeur ou vers d'autres lecteurs à travers le site, le respect des règles de la langue française est exigé !
Les élèves qui arrivent actuellement au collège sont nés avec cet environnement numérique, cela fait partie de leurs pratiques quotidiennes, de leur culture personnelle. Cet environnement prend de plus en plus de place dans le système scolaire. L'école doit alors prendre en compte ce nouveau moyen de communication, amener les élèves à réfléchir à son utilisation et apprendre à en respecter les règles.
 
 

la culture numérique - échanger 87

Une très grande majorité des familles françaises est équipée d'un ordinateur, et les élèves l'utilisent au quotidien : blogs, MSN, forums, sites, recherches, le numérique est devenu un compagnon de vie. Est-ce à dire que l'école n'est pas concernée par son apprentissage ?... Il n'en est rien ; si les enseignants s'en servent pour eux-mêmes, ils l'utilisent aussi pour diversifier leur enseignement : y déposer leurs cours pour les absents ou les compléter, mettre en ligne le cahier de texte ou des vidéos pour les langues... l'outil est entré à l'école. On utilise son aspect ludique pour encourager l'effort (écriture, réécriture), mais on questionne aussi son usage et son sens pour une pratique raisonnée et citoyenne. Véritable éducation à la recherche pour diversifier les outils, vérifier et hiérarchiser les infos, on observe, questionne, analyse, et on apprend aussi à réfléchir sur les conséquences d'une mise en ligne... Comptes rendus de lecture, poèmes, journal de classe, bibliothèque, un nouveau lien se crée entre l'école et la maison, permettant, par exemple, à une élève handicapée de suivre le cours en direct. La pédagogie se fait créative, et encadre un espace collaboratif riche et varié pour correspondre en multimédia, découvrir le monde, détourner des dialogues de films pour la mise en exergue de pratiques à risques (drogues, sexualité, etc.). On exporte à l'étranger les richesses du patrimoine local, et la clef USB remplace le classeur... Espace et temps sont redéfinis, et l'outil prend une place importante à l'heure de la mondialisation. La conférence mondiale du Fonds de solidarité numérique a le projet de former quatre millions d'enseignants et seize millions d'élèves africains d'ici 2010. En attendant, ce numéro vous ouvre pages, blogs et idées pour le numérique à l'école...

https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/innovation-pedagogique/echanger/dossiers-parus/la-culture-numerique-echanger-87-769551.kjsp?RH=1164983791265

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