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Option découverte professionnelle Alain CRINDAL 2006 - échanger HS n°1 -

(2849 mots dans ce texte ) -  lu : 2002 Fois


Option découverte professionnelle - échanger HS n°1

ENS Cachan - INRP Cachan [94] A. CRINDAL, chercheur

https://www.pedagogie.ac-nantes.fr/innovation-pedagogique/echanger/dossiers-parus/option-decouverte-professionnelle-echanger-hs-n-1-602560.kjsp?RH=1164983791265

Expérimentée depuis 2004 dans quelques établissements, l'option découverte professionnelle (ODP) est proposée cette année à tous les élèves de 3e de collège. Comme toute innovation de cette ampleur, sur le fond - une découverte des professions et des formations sans être une formation professionnelle - et sur la forme - une option facultative qui s'adresse à tous les élèves de 3e, quel que soit leur niveau - elle n'est pas sans entraîner une foule d'interrogations techniques et pédagogiques: Comment peut-elle être mise en place dans les emplois du temps ? Qui s'en charge ? Quelles sont les attentes des élèves qui s'y inscrivent ? Comment trier les candidatures ? Comment élargir la culture générale des collégiens à l'environnement économique et social ? Quels objets d'étude, quels types d'activités sont les plus à même d'y contribuer ?
Face aux contenus des différents enseignements structurés essentiellement sur des connaissances, l'option propose une approche par compétences, intégrant aptitudes et attitudes aux connaissances mobilisées. Une des premières tâches des équipes qui s'en emparent revient donc à greffer dans le milieu scolaire de nouvelles modalités de travail : constituer une équipe pluridisciplinaire, recourir souvent à la coanimation, bâtir un réseau de milieux professionnels et de formation, accorder une place centrale aux activités des élèves... Autant de pratiques que les itinéraires de découverte ont pu initier, mais qui cette fois doivent permettre de construire des compétences nationalement définies. Le défi qu'avaient à relever les équipes présentées dans ce numéro n'était pas mince. Pari tenu ?

 

l’ODP, un enjeu pour demain

Alain Crindal, chercheur à l'ENS Cachan et à l'INRP, accompagne, au niveau national, la mise en place de la découverte professionnelle. Il a accepté de mettre en perspective les différents articles de la revue de son point de vue de chercheur, spécialiste de la question. Il nous livre ici ses réflexions et pistes d'analyse.

En prenant connaissance des articles de cette revue, ce qui apparaît en premier lieu c'est le développement de situations d'enseignement faisant preuve d'imagination pour répondre à la fois sur le plan pédagogique et sur le plan psychosociologique à la demande nouvelle que constitue la mise en place de l'option découverte professionnelle (ODP). On est touché par la réactivité, le dynamisme et l'enthousiasme dont font preuve les acteurs. Pourtant, l'affaire n'est pas simple. L'introduction d'un nouvel espace d'enseignement est toujours délicate : "tout est à créer... inventer cette nouvelle discipline... Il faut tout inventer". Face à toute nouveauté, la première réaction des autres disciplines, ou enseignements, revient fréquemment à revendiquer des existences et à protéger ses frontières. Chaque discipline est une invention humaine et, comme tout produit humain, elle est en permanence sous l'influence des autres produits concurrents et de leurs aficionados ! À sa naissance, l'ODP a ses pionniers et les travaux présentés dans la revue en sont la trace historique. Ils interprètent les textes d'encadrement pour en dégager ce qui fait sens et se lancent dans des expérimentations que leur suggère la lecture de ces textes d'incitation, ils ouvrent des voies non encore tracées, ils offrent aux élèves des supports d'apprentissages inédits. Ainsi, les contenus de cette nouvelle option ont à se distinguer des contenus disciplinaires déjà existants si l'on veut que l'option perdure.

Des distinctions à opérer

Une première distinction est à effectuer en interne : de quelle découverte professionnelle (DP) parle-t-on ? À qui s'adresse-t-elle ? Quels sont ses acteurs et les orientations pédagogiques essentielles ? Pour répondre à ces questions et si l'on veut tenir le cap, une comparaison fine doit être faite entre la DP 3 heures et la DP 6 heures (voir annexe). Mais la distinction ne s'arrête pas là. D'un point de vue plus externe, l'option doit aussi trouver une place face à l'ancienne option technologie (souvenons-nous qu'elle comportait une unité d'enseignement intitulée "Découverte des professions") et face à tout ce qui se fait dans le cadre de l'éducation à l'orientation. Dans une bonne partie des articles de la revue, nous percevons ces parentés naturelles qui soulèvent la question du prolongement de certains dispositifs, de leur insertion et/ou de leur réadaptation au sein de cette option. Trouver sa place, c'est avoir un public (donc des élèves engagés sur toute l'année et leurs parents qui soutiennent le projet), c'est aussi avoir une équipe (donc des enseignants, des administratifs et des partenaires qui assument de nouvelles pratiques), c'est enfin programmer des activités (donc des intentions, des connaissances et des outils conçus pour ces nouveaux apprentissages). Pour participer à la construction de cette nouvelle identité, nous interrogerons successivement ces différents aspects.

Un public à conquérir et à fidéliser pour une mission spécifique

Le public n'est pas toujours en phase avec les attendus de l'ODP : lors de la présentation de l'option, "les quelques élèves qui prennent la parole se préoccupent surtout de savoir si on va visiter l'entreprise correspondant à leur choix d'orientation". Aussi, il y aura à faire découvrir cette nouvelle option et, dans les premières années, à convaincre pas à pas de son intérêt : "pour beaucoup, leur orientation est déjà arrêtée - la résistance de certains élèves est bien sûr un frein, mais elle constitue l'objet même du travail". La première appropriation attendue, c'est donc que les élèves acceptent la mission donnée à l'option et finissent par y adhérer en transformant le regard initial qu'ils avaient sur les métiers, la formation et les organisations de travail : "les élèves ont pu mesurer l'écart entre leurs représentations et la réalité des démarches, de la succession des corps de métiers". C'est en ce sens que Laure nous dit : "j'ai appris beaucoup de choses sur les métiers que mes camarades veulent faire. J'ai appris des choses précises sur des métiers qui ne m'intéressaient pas comme l'agriculture, les métiers qui l'entourent. J'ai appris aussi à mieux connaître mes camarades qui font l'option". Comme nous l'avons souligné de nombreuses fois dans nos interventions académiques, l'ODP poursuit une mission d'acculturation, mais cette frange de la culture correspondant aux intelligences développées dans le travail demeure aujourd'hui encore étrangère à l'école.

Des contenus originaux

Face aux contenus structurés des différents enseignements, les contenus de cette option sont différents et originaux. Face à des contenus légitimés par la reconnaissance disciplinaire, ceux de l'option semblent des intrus insolites. Pour les équipes qui s'en emparent, une des premières tâches revient à introduire dans le milieu scolaire ce corps étranger sans qu'il soit rejeté pour que la greffe prenne. Afin de souligner la singularité de l'option, nous reprenons les trois axes d'analyse que M. Ross (2000) utilise pour représenter les orientations curriculaires données à tous les enseignements (voir annexe) : l'axe orienté par la maîtrise de contenus, l'axe orienté par le développement personnel de l'élève et l'axe orienté vers l'utilité sociale de l'enseignement. Dans le cadre de la découverte professionnelle (3 h et 6 h), le premier axe concerne la culture spécifique dont le domaine est porteur. Il s'agit de la mission d'acculturation. Le deuxième axe se rapporte à ce qu'il est nécessaire de faire pour remotiver et agir sur le développement des élèves. Il s'agit de prendre en compte une mission de remédiation. Le troisième axe correspond aux résultats sociaux visés par cet enseignement dans le cadre de l'ensemble de la DP, il s'agit d'une mission d'orientation. Cependant, la seule façon de donner à l'option toute sa place dans le parcours des collégiens, c'est de la bâtir sur des contenus forts, d'où la place primordiale que nous accordons sur ce schéma à la mission d'acculturation. La part relevant de l'orientation est non seulement moins importante que pour la DP 6, mais surtout elle n'est pas du même ordre et elle doit se distinguer de l'éducation à l'orientation. Dans l'option 3heures, un élève n'est pas obligé de se confronter au métier et à la formation qui l'attirent ou qui constitueront son "projet d'orientation". L'essentiel revient à construire des jugements et des connaissances sur ce qu'est le travail aujourd'hui et sur le sens que le travail prend pour lui. Quant au troisième axe concernant la question de la remédiation, cette visée n'est pas prévue puisque ces élèves ne devraient pas être recrutés sur un profil scolaire particulier.

Une équipe et un réseau à constituer

Pour chacune des expérimentations relatées, la constitution de l'équipe en charge de l'option est importante, c'est un problème à résoudre, mais à la fin, c'est aussi le résultat positif le plus souligné : "la richesse de l'ODP est le travail en équipe, pour les élèves comme pour les enseignants - l'ODP [...] est un espace où les enseignants peuvent et doivent travailler collectivement". Pour démarrer l'ODP, ces innovateurs n'ont pas compté leur temps et ils ont fait ensemble leur propre découverte. "Les enseignants n'ont pas de cours dans leur emploi du temps sur l'ensemble des créneaux d'ODP, ce qui permet une co-animation pratiquée systématiquement les séances sont animées à trois". Au-delà du hasard des rencontres, des choix de composition ou de valeurs partagées s'expriment en faveur d'une équipe hétérogène où l'expérience personnelle joue un rôle crucial : "[...] ils partageaient les mêmes orientations pédagogiques autour du travail en projet. L'itinéraire professionnel du professeur de technologie auquel l'option a été confiée cette année favorise aussi cet ancrage [...] [...] une expérience de professeurs principaux de troisième [...] il est nécessaire que les formations plus littéraires soient représentées dans les équipes d'ODP".

Une équipe, quelle équipe ?

Dans le cadre de cette option, nous pensons qu'il est utile d'élargir la notion d'équipe au réseau constitué de toutes les personnes qui, de près ou de plus loin, s'intéressent à la découverte professionnelle. Nous avons distingué les personnes qui interviennent régulièrement chaque semaine avec les élèves, celles qui interviennent à la demande et celles qui ont une influence indirecte sur l'exercice de l'ODP. Au cœur de l'ODP, ce sont le plus souvent deux enseignants qui ont la responsabilité de l'enseignement (sur le plan national, les disciplines les plus représentées sont la technologie, la documentation, le français, l'histoire et géographie). D'autres intervenants rendent service en apportant leur complémentarité. Quelques enseignants d'origine disciplinaire différente contribuent ponctuellement en fonction d'une expérience personnelle précise. Des conseillers d'orientation psychologique (COP), sur des horaires réduits et ponctuels, participent à la préparation des activités, à la réflexion sur les acquis ; certains interviennent auprès des élèves. Dans la période de lancement où nous sommes, à la périphérie des activités, d'autres intervenants ont une grande influence. Ainsi, les chefs d'établissement et les conseillers principaux d'éducation ont un rôle à jouer pour présenter l'option dans les conseils de classe et d'établissement et mettre en place un réseau de professionnels partenaires dont certains finiront bien par devenir des membres à part entière de l'équipe.

Des pratiques à ajuster

Chaque équipe a, pas à pas, mis en place l'option, il faut bien chaque semaine "prendre les élèves" et leur proposer des activités. Quelques principes guident le choix des activités. Pour certains, il s'agit d'inscrire l'option dans les pratiques scolaires ordinaires : "en n'affichant pas de rupture visible immédiatement de l'extérieur avec les autres cours, en s'ancrant fermement dans le collège, l'équipe marque que c'est bien ici que cela se joue. L'intérêt des visites ponctuelles n'est pas du tout remis en cause [...] mais il n'ajamais été envisagé d'en faire l'axe porteur de l'ODP". Pour d'autres, il s'agit de travailler en projet(s), d'en programmer le déroulement et les jalons et de s'adapter aux circonstances de la réalité : "deux professeurs [...] ont élaboré, avant la sortie, un projet annuel détaillé... Du projet initial à son application, bien des modifications ont été apportées. [...] Cependant, le cadre et les objectifs ont été conservés. Et surtout l'intérêt des élèves a été maintenu grâce à la mise en place de modules différents bien définis". Pour tous, il s'agit de multiplier les approches et les activités constatées sont donc très variées. Les entrées choisies mettent bien en évidence l'ampleur de la variation (voir ci-dessus). Ainsi, le manque de recul dû au lancement du domaine fait que les pratiques relatées peuvent apparaître disparates. Cependant, les enseignants sentent bien que le projet à inventer pour le parcours annuel est difficile à concevoir : "ce n'est pas à proprement parler une progression, mais plutôt un catalogue des différentes activités envisagées... Le sujet impose donc une approche complexe". Nous avons à ce sujet proposé de croiser deux manières d'entrer dans cette programmation.

Entrer par les situations

Penser aux types de situations qui permettent de faire jouer en complémentarité les objectifs visés par la découverte professionnelle (en interrogeant simultanément le métier, l'entreprise et les modalités de formation). Le premier type de situations d'enseignement correspond à un accès direct à des milieux professionnels ou de formations sous la forme de visites, expositions, reportages, stages. L'apprentissage s'effectue au contact de. Néanmoins, il ne suffit pas d'entrer en contact avec une entreprise, une association ou une administration pour développer les compétences attendues. Le deuxième type de situations d'enseignement procède d'un accès indirect avec le travail. Trois grandes catégories de situations sont envisageables. La première est constituée de réalisations sur projet. Elles ne se limitent pas à la conception-réalisation d'un produit technique (cédérom, DVD présentant des métiers; base de données locales utilisable par les élèves des classes à venir). Une enquête aboutie constitue en-soi un projet. Un débat mis en place à l'occasion d'un forum des métiers, ou dans tout autre dispositif similaire, constitue également un réel projet. La deuxième catégorie de situations relève d'investigations sur questionnement. Elles supposent des personnes ou des documents à interroger ou à examiner. La prestation d'un intervenant, la tenue d'une interview, l'analyse de moments de travail filmés, la recherche documentaire sur une filière, un métier, une formation sont des exemples de situations où les connaissances relatives au travail peuvent être révélées. Enfin, la troisième consiste en réflexions sur les parcours. Cette dernière catégorie vise à revenir sur les connaissances que les élèves rencontrent et sur les liens qu'ils réalisent entre les parcours professionnels présentés et leur propre parcours. Chacun peut s'interroger sur le sens que prend le travail et sur les accomplissements potentiels qu'il recèle. Le cheminement de chacun revient à interroger sa connaissance des métiers et les fluctuations des attirances et des refus qu'il développe ou non en conséquence.
 

Entrer par des registres d'appropriation en les combinant avec les situations

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Trois registres d'appropriation des connaissances permettent de diversifier les modes d'accès aux apprentissages : accéder et acquérir des informations ; identifier, répertorier et comprendre les connaissances présentes dans la découverte professionnelle ; construire et utiliser des savoirs propres à la découverte professionnelle. Il s'agit alors de croiser des types de situations d'enseignement avec des manières d'appréhender les contenus spécifiques de l'option. Pour avoir une idée plus précise de ce que nous appelons les registres d'appropriation, on consultera les définitions que nous en donnons ci-contre. En reprenant les grandes activités génériques que l'on trouve dans l'ensemble des projets annuels (visite, enquête, entretien, recherche documentaire), nous voyons comment ces trois registres d'appropriation fonctionnent en complémentarité pour que les savoirs en jeu soient en définitive maîtrisés par l'élève à l'issue du parcours. Le tableau de la page 9 souligne la cohérence entre registres et activités et précise les instruments pédagogiques nécessaires à chaque fonctionnement. Par exemple, grâce à des outils appropriés, une visite est l'occasion de recueillir, dans la rencontre directe avec un professionnel, une série d'informations sur le milieu en question. Ces informations deviennent des connaissances dans la mesure où elles seront validées (des sources sont douteuses, certains propos demandent parfois à être rectifiés...). Une méthode permettant d'effectuer un tri est donc nécessaire pour comprendre ce qu'est le travail rencontré au cours de la visite. Les données ainsi constituées ne prennent corps que si elles sont réparties, catégorisées et mises chacune à leur place, ce qui suppose un système de pensée. La grille d'analyse des activités professionnelles que nous avons mise au point constitue un outil méthodologique utile pour cette réorganisation (voir annexe).

Produire et construire, une affaire de devenir

Rendre compte de ce que l'on a acquis passe aussi par une reconstruction des savoirs qui demeurent une fois la visite exploitée. C'est donc un vrai projet que d'arriver à traduire ces savoirs dans une production qui peut avoir la forme d'une exposition ou d'un reportage publié. Bien sûr, l'appropriation des connaissances ne procède pas immuablement de l'informatif vers le constructif. De nombreux exemples ingénieux sont donnés par les praticiens qui nous montrent que la construction des connaissances pour ce domaine peut prendre plusieurs voies. Ceux qui les ont inventées développent les facettes d'un nouveau genre professionnel pour l'enseignant : être prof. d'ODP, c'est entrer dans une aventure passionnante. Nous honorons cette ambition et nous sommes certains qu'ils partagent déjà de nombreux secrets. Comme le dit Yves Clot, "la beauté et l'intérêt d'un métier ne sont pas dans son exercice, mais dans cette conscience partagée qui unit secrètement et très fort ceux qui le pratiquent".

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